L’expert en risques financiers, Mourad Hattab, a appelé à un audit approfondi sur la non-application, par certaines institutions financières, des mesures de réduction des taux d’intérêt sur les prêts à long terme destinés aux ménages et aux particuliers. Cette demande intervient alors que la Coordination nationale pour l’application de l’article 412 déplore l’ambiguïté persistante entourant cette mesure, malgré des signaux positifs émanant de certaines banques.
Dans une déclaration à l’agence TAP, jeudi, Hattab a exhorté la Direction générale du contrôle bancaire de la Banque centrale de Tunisie (BCT) ainsi que l’Autorité générale de contrôle des finances relevant du ministère des Finances à diligenter un audit en profondeur et à établir les responsabilités, d’autant plus que la mesure a été adoptée dès août 2024.
L’économiste souligne qu’une telle situation, où une loi peine à être appliquée, soulève la question des nominations dans le secteur financier public. Il estime que tout manquement à l’application de la loi est en totale contradiction avec les missions du secteur financier public, censé exécuter les décisions de l’État et en garantir l’application.
Selon lui, un responsable, notamment s’il exerce au sein d’une institution publique, qui n’applique pas une loi pendant plusieurs mois, ne garantit pas non plus son respect futur. Sa révocation et sa mise en cause s’imposent donc.
Ce débat s’inscrit dans le prolongement de la note publiée par la Banque centrale de Tunisie le 23 janvier 2025, dans laquelle l’institution rappelle que la réduction du taux d’intérêt fixe sur les prêts est une obligation légale immédiate, ne nécessitant pas de circulaire supplémentaire pour son application.
La BCT exhorte ainsi les banques à appliquer ces dispositions sans délai et à accorder une attention particulière aux demandes de leurs clients en ce sens.
Un retard inexpliqué et juridiquement infondé
Mourad Hattab a affirmé que rien ne justifie ce retard, ni d’un point de vue réglementaire ni pour des raisons de « force majeure ». “Lorsqu’une loi est adoptée par le Parlement, promulguée par le Président de la République et publiée au Journal Officiel, elle devient immédiatement applicable et contraignante pour toutes les parties concernées”, a–t-il souligné.
Le non-respect de cette obligation donne aux citoyens le droit de saisir la justice, d’autant plus que cette mesure relève de l’intérêt général, comme le garantit la Constitution tunisienne.
L’économiste met également en garde contre toute tentative de contournement sous prétexte d’un manque de moyens pour accorder de nouveaux financements. Selon lui, il est impératif que les autorités de contrôle exercent une vigilance accrue pour garantir l’application effective de la loi et prévenir toute dérive.
Les banques islamiques concernées par la loi
Hattab rappelle aussi que les banques islamiques ne sont pas exemptées de l’application de l’article 412 du Code de commerce, car elles sont régies par la loi n° 48-2016 du 11 juillet 2016 relative aux banques et institutions financières.
Écarter ces établissements de la réforme reviendrait à instaurer une inégalité entre consommateurs. L’économiste plaide donc pour que les autorités de contrôle imposent aux banques islamiques l’application stricte de la loi, d’autant plus que les financements sous forme de « mourabaha immobilière » sont très proches techniquement et financièrement des crédits immobiliers classiques.
Pour sa part, Ammar Moulhi, coordinateur de la Coordination nationale pour l’application de l’article 412, a confirmé que certains clients bancaires ont reçu des notifications de BH Bank et de l’Arab Tunisian Bank (ATB) concernant l’application de la réduction des taux d’intérêt.
Cependant, il souligne que le processus reste flou, car les clients doivent consulter les plateformes en ligne des banques pour obtenir les documents relatifs à ces réductions sur les prêts immobiliers.
La Coordination a accepté d’accorder un délai de deux semaines aux banques, à compter de la publication de la note du 23 janvier 2025, soit jusqu’à mi-février, pour appliquer cette mesure.
Toutefois, Moulhi avertit que si les engagements ne sont pas tenus, une manifestation sera organisée devant le siège de la Banque centrale de Tunisie afin d’exiger une mise en application immédiate et généralisée de la loi, y compris par les banques islamiques.